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Traduire l'humour

Journée d'étude

Si d’Aristote à Bergson le rire est considéré comme une manifestation universelle, l’humour, inversement, apparaît comme une pratique éminemment culturelle. Tandis que le rire est le propre de l’homme, l’humour serait anglais, juif, belge... C’est sans doute dans sa traduction que le caractère culturel de l’humour se mesure le mieux. En effet, parce qu’il a recours aux moyens expressifs linguistiques et culturels les plus divers, l’humour constitue un véritable défi pour la traduction au point qu’il est d’usage de le ranger dans la catégorie des intraduisibles. Or si l’humour est un point d’achoppement pour la théorie, les multiples exemples de sa traduction tentent sans cesse d’apporter un démenti à cette réputation.
Afin de réfléchir aux solutions apportées par les traducteurs, on s’interrogera sur les différents problèmes d’ordre linguistique, culturel et temporel posés par l’humour en fonction :
- des différents procédés linguistiques employés dans l’expression de l’humour comme les déviations sémantiques (ex. -May I try on that blue dress in the window please? -No, madam, you'll have to use the fitting room like everyone else.), la polysémie, les jeux de mots fondés sur la ressemblance phonique (ex. -What does a polite mouse say? -Cheese and thanks.) ou l’inversion des sons (ex. -Affaire urgente: appelons Tintin. -Je dirais même plus : affaire Tintente, appelons urgin).
- de considérations sociolinguistiques, comme les jeux sur des stéréotypes (les prénoms des personnages des télénovelas latino-américaines), les accents régionaux, nationaux et sociaux, la non-maîtrise des registres, les anachronies linguistiques.
- de la nature des référents culturels et de leur utilisation :  degré d’implicite, analogies, allusions, détournement des proverbes (Qui trop embrasse, manque le train, Agnès Varda).
- des contraintes génériques, formelles (brièveté) ou diachroniques.
- du support et de ses effets sémiotiques (décalages sémantiques produits entre image et texte dans la bande-dessinée).
L’expression de l’humour engage ainsi de nombreux paramètres qui, conjugués, rendent l’opération de traduction particulièrement périlleuse et les succès d’autant plus brillants. Que faire lorsque les équivalents font défaut et que la blague tombe à plat ? Transposer, adapter par l’usage de notes, de périphrases explicatives ? C’est risquer de perdre la brièveté nécessaire à l’effet de surprise de l’humour. Que faire lorsque les références culturelles sont trop lointaines dans le temps ou dans l’espace et que le lecteur, le spectateur ou l’auditeur s’endort ou s’en va ? Les naturaliser au risque de les domestiquer (Venuti) ou faire le pari de renforcer leur caractère étranger (Berman) ?
On voit donc que les enjeux des transferts opérés par la traduction de l’humour sont de
plusieurs ordres :
- Linguistiques, lorsque, par exemple, les mécanismes lexico-syntaxico-sémantiques ou les coïncidences phoniques et sémantiques diffèrent d’une langue à l’autre, faut-il subordonner l’équivalence sémantique à l’équivalence pragmatique ou bien expliquer l’original en note en bas de page ? Lorsque l’humour se joue sur l’(in)adéquation conventionnelle entre intention et interprétation d’une phrase, ou bien sur les différents niveaux de lecture d’un terme polysémique, absents dans la langue cible, comment rendre le même effet dans la langue d’arrivée ?
- Culturels : Comment transposer l’effet humoristique des clins d’œil à des aspects culturels non partagés par la culture d’arrivée ?
- Esthétiques lorsque, par exemple, la traduction de l’humour bouleverse les frontières entre comique, grotesque, burlesque et ironie.
- Idéologiques, éthiqueset politiques. Que se passe-t-il lorsque l’humour, qui peut jouer avec les stéréotypes et les tabous et flirter avec la transgression, est transposé dans un nouveau contexte ? Se heurte-t-il à l’incompréhension, ou, au contraire, se prête-il à de nouvelles interprétations, à des glissements de sens ou des malentendus qui peuvent éventuellement donner lieu à des réappropriations ?
La journée d’études est ouverte à toutes les aires culturelles et espère accueillir différentes approches méthodologiques, afin de réflechir à un sujet qui est en soi transdisciplinaire. La langue de travail sera le français.